ASFIXIA
2011
Création le 11 mai 2011
à Emmetrop, Bourges (FR)
Pièce pour trois danseuses/actrices
et un musicien.
Crédit photo : © G&G
Dans ASFIXIA, trois protagonistes rejouent les tortures sexuelles commises à Abou Ghraib en Irak. Artifices, codes de sous-genres et Dark-Ambient accompagnent la partition des interprètes dans une mise en scène chorégraphiée.
Inspiré du Petit guide de la torture à l’usage des femmes soldats de l’artiste américaine Coco Fusco, ASFIXIA ne suit pas une démarche documentaire mais au contraire «profane»* cet événement et cherche à révéler les registres symbolique, imaginaire et réel qui le sous-tendent tout en menant une réflexion sur l’empreinte fantasmatique que ces images ont inscrit en nous et dans l’insconscient collectif.
*« au sens propre est profane ce qui, de sacré ou religieux qu’il était, se trouve restitué à l’usage de la propriété des hommes » (Trébatius).
ASFIXIA
2011
Création le 11 mai 2011 à Emmetrop, Bourges (FR)
Pièce pour trois danseuses/actrices et un musicien.
CRÉDITS
Pièce pour trois danseuses/actrices et un musicien.
Conception, chorégraphie : Guillaume MARIE
Créé en collaboration et interprétation sur scène :
Gaël DEPAUW, Marika RIZZI et Suet-Wan TSANG
Musique : Greg SMITH
(interprétation trompette : Susana Santos Silva)
Dramaturgie : Igor DOBRICIC
Costumes : Cédrick DEBEUF
Maquillage : Rebecca FLORES
Lumières : Sandie CHARRON
Scénographie : Gisèle TREMBLEAU
Graphiste : Grégoire GITTON
Photographies : © G&G
CRÉDITS
Pièce pour trois danseuses/actrices et un musicien.
Conception, chorégraphie : Guillaume MARIE
Créé en collaboration et interprétation sur scène :
Gaël DEPAUW, Marika RIZZI et Suet-Wan TSANG
Musique : Greg SMITH
(interprétation trompette : Susana Santos Silva)
Dramaturgie : Igor DOBRICIC
Costumes : Cédrick DEBEUF
Maquillage : Rebecca FLORES
Lumières : Sandie CHARRON
Scénographie : Gisèle TREMBLEAU
Graphiste : Grégoire GITTON
Photographies : © G&G
PRODUCTION
Production :
Tazcorp/
Coproductions :
Ballet de l’Opéra national du Rhin-Accueil studio, Centre national de danse contemporaine d’Angers-Accueil studio, Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse-Midi Pyrénées.
Avec le soutien de :
l’ADAMI, la DRAC Ile de France-Ministère de la culture et de la communication au titre de l’aide au projet, la Fondation Bleustein Blanchet – Bourse à la vocation, la Fondation de France-Bourse Déclics Jeunes, la Fondation Beaumarchais-SACD, la SPEDIDAM, Emmetrop/Bourges.
En partenariat avec :
la Ville de Strasbourg, Micadanses/Paris-Résidences mensuelles, le Centre national de la danse/Pantin, Danse-Dense/Pantin pour le prêt de studio
Remerciements :
Anna Le Houerf, Pascal Labrunie, Isabelle David, Stéphanie Gitton, Franck Delâtre, Gisèle Vienne, Etienne Bideau-Rey, Jan Fabre, Guilherme Bothelo, Jean-François Munnier, Laura Ragno/Ateliers Bas et Hauts, la Ferme du Buisson-Scène Nationale de Marne-La-Vallée et toutes les équipes qui nous ont accueillies en résidences.
PRODUCTION
Création Festival Les Inaccoutumés,
La Ménagerie de Verre, 19 et 20 Novembre 2013.
Production : TAZCORP/
Co-productions : La Ménagerie de Verre (Paris),
Ville de Strasbourg, Emmetrop (Bourges),
CDC Paris Réseau/Étoile du Nord (Paris),
Ballet de l’Opéra national du Rhin (Mulhouse),
NagiB Festival (Maribor, Slovénie).
Résidences :
Centre National de la Danse (Pantin), Danse Dense (Pantin), La Ménagerie de Verre dans le cadre de Studiolabs (Paris), Théâtre Hautepierre (Strasbourg), Théâtre du Marché aux Grains (Bouxwiller).
Remerciements : Théâtre National de Chaillot, Centre national de la danse, Atelier Bas Et Hauts.
TOURNÉE
Work in progress :
La Ferme du Buisson-scène nationale de Marne la Vallée, 21 avril 2009
Projet Jeune Talents de la Mairie de Paris, 21 mai 2009,
Danse en chantiers, Pantin, 1er décembre 2009,
Centre de développement chorégraphique de Toulouse-Midi Pyrénées, 14 janvier 2011,
Emmetrop, Bourges, 20 mars 2011,
Avant-première : Centre national de danse contemporaine, Angers 4 mai 2011
Première : Emmetrop, Bourges, 11 mai 2011
Théâtre Hautepierre, Strasbourg, 10 février 2012
Festival Artdanthé, Vanves, 15 février 2012
Projection d’AsfixiA, un film d’Antoine Verbièse
NagiB Festival, Maribor, 30 août 2012
TOURNÉE
Work in progress :
La Ferme du Buisson-scène nationale de Marne la Vallée, 21 avril 2009
Projet Jeune Talents de la Mairie de Paris, 21 mai 2009,
Danse en chantiers, Pantin, 1er décembre 2009,
Centre de développement chorégraphique de Toulouse-Midi Pyrénées, 14 janvier 2011,
Emmetrop, Bourges, 20 mars 2011,
Avant-première : Centre national de danse contemporaine, Angers 4 mai 2011
Première : Emmetrop, Bourges, 11 mai 2011
Théâtre Hautepierre, Strasbourg, 10 février 2012
Festival Artdanthé, Vanves, 15 février 2012
Projection d’AsfixiA, un film d’Antoine Verbièse
NagiB Festival, Maribor, 30 août 2012
Crédit photo : © G&G
Revue de presse
La vérité en face, une source de réflexion
Voilà un spectacle qui questionne et qui vous remue les tripes. Si le but de l’art est de faire découvrir la beauté de notre monde sous tous ses angles, il est aussi de faire prendre conscience des actions de l’Homme dans son quotidien, d’en présenter les diverses facettes comme source de réflexion, de façon à nous amener à envisager les choses et actes de la vie sous un angle différent. Or l’œuvre de Guillaume Marie, AsfixiA, se base sur un fait qui a provoqué un tollé mondial : la diffusion, en 2003, de photos de prisonniers torturés attachés à des câbles électriques, obligés de poser nus ou, encore, menacés par des chiens de garde, voire désacralisés après leur mort. Cette pièce ne se veut en aucun cas la simple évocation de cet évènement mais plutôt «une réflexion sur l’empreinte fantasmatique que ces images ont inscrit en nous, et dans l’inconscient collectif.» (1)
Abou Ghraïb est un complexe pénitentiaire irakien tristement célèbre pour avoir été un haut lieu de tortures sur des musulmans, commises par des femmes-soldats de l’armée américaine qui utilisaient le harcèlement sexuel au cours de leurs interrogatoires. Ces femmes obéissaient en fait aux ordres de leur hiérarchie visant à humilier leurs prisonniers et à leur infliger des tortures tant physiques que morales, insistant lourdement sur ce qui pourrait les blesser et les gêner, portant notamment atteinte à leur religion, telles qu’exhibition sexuelle ou aspersion de sang menstruel. Ces violences ont questionné un professeur de l’université de Columbia aux Etats-Unis, Coco Fusco, qui a publié un ouvrage sur les enjeux éthiques soulevés par ces évènements.
Intitulé Petit manuel de torture à l’usage des femmes-soldats, il a en particulier été à la source de AsfixiA. En mettant trois femmes en scène, l’une torturée par les deux autres, Guillaume Marie pose plusieurs questions, entre autres celle du rapport des femmes au pouvoir mais également celles des rapports entre les images qui ont défrayé la chronique et nos fantasmes, les clichés culturels et l’asservissement, l’univers féminin et la violence sexuelle… Mais aussi, plus prosaïquement, la question de savoir jusqu’où les artistes peuvent s’inspirer d’un spectacle d’horreur sans blesser ou faire fuir leur public, par peur ou par dégoût. Car, malgré sa tranquille apparence, sourde et contenue, et la lenteur de son action, cette pièce est d’une violence inouïe : en effet, ces deux femmes-soldats ne jettent pas seulement leurs rangers à la figure de leur prisonnière mais, pour reprendre un texte de Raphaëlle Branche qui s’applique parfaitement ici, «Par des attouchements, par des postures provoquant les prisonniers, par des gestes obscènes sur elles-mêmes ou sur eux, les femmes- soldats exploitent, lors des interrogatoires, toute une gamme d’attitudes allant de la femme consolatrice à l’actrice pornographique, en passant par l’utilisation du sang menstruel comme arme (supposée) impure.»(2) Partant, une autre des questions que soulève ce spectacle n’est-elle alors pas celle du détournement d’idées féministes sur le corps et la sexualité et, par ailleurs, celle de l’utilisation de femmes par l’armée pour ce que leur appartenance à un sexe spécifique permet d’obtenir ?
Or, toutes ces interrogations trouvent réponse tout au long de ce spectacle méthodiquement mis en scène, de façon machiavélique même, de sorte que l’on s’attend au pire à chaque minute. Et bien évidemment, l’émotion atteindra son paroxysme à la fin de l’œuvre lorsque l’on assistera à une masturbation dans la souffrance.
Il fallait oser le faire, non ?
Par J.M. Gourreau
(1) : Guillaume Marie, note du programme.
(2) : Raphaëlle Branche, Quand les femmes torturent, laviedesidees.fr, 11 décembre 2008.
Voilà un trio de dames qui n’ont pas froid aux yeux. Et il fallait bien ça. Gael Depauw, interprète chez Gisèle Vienne, Jan Fabre et Olivier Dubois ou dans ses propres performances, Suet- Wan Tsang, danseuse chez Itzik Galili et travaillant entre les Pays-Bas et le Nigéria alors qu’elle est née à Hongkong, et enfin, Marika Rizzi, chorégraphe italienne dans la mouvance de Steve Paxton, Simone Forti, Julyen Hamilton. Il les fallait parce que dans ASFIXIA, elles interprètent les ondes de choc provoquées dans l’inconscient collectif et dans toute personne individuelle qui a ingurgité les images d’Abu Ghraib montrant les humiliations et violences sexuelles des militaires américains sur les prisonniers irakiens. Que des femmes puissent participer à ce type d’exaction a particulièrement impressionné Guillaume Marie, qui crée et met en scène aujourd’hui ASFIXIA, tel un huis clos dans un décor de bunker métallique où le corps devient porteur de labyrinthes émotionnels, d’épuisement sensoriel, de propagande et de rapports de domination. L’indicible, l’insoutenable, l’inconcevable. Jusqu’à l’asphyxie.
Danser n°309 – Mai 2011 Par Thomas Hahn
Le thème d’AsfixiA a de quoi décourager les plus sensibles, et la mention «contenu explicite» qui accompagne sa représentation, de quoi en dissuader encore. Pourtant, il serait dommage de s’arrêter ainsi au seuil, de ne pas oser assister à la proposition de Guillaume Marie, qui rend à un sujet épineux sa complexité, toute sa dimension politique.
Partant des clichés qui filtrèrent des camps d’Abou Ghraib en 2003 et qui choquèrent autant par leur violence que par le caractère inédit des tortures rendues visibles, Guillaume Marie a travaillé sur la corde raide de l’irreprésentable. AsfixiA s’ouvre donc sur la voix de Marlon Brando, Colonel Kurtz d’Apocalypse Now, comme si il fallait d’abord en passer par l’énonciation du sujet avant toute mise en forme : l’horreur.
Dès lors le chorégraphe convoque tous les registres de l’excès pour peu à peu affiner l’image, dégrossir le propos, travailler à épurer la forme et, ce faisant, aiguiser notre regard pour le rendre incisif, alors seulement apte à percevoir au-delà comme à l’intérieur même de ce qui se figure dans ces représentations. Cela commence par une absence remarquable : il n’y a pas de corps mais cet extrait sonore qui résonne dans un décor parfaitement cinématographique. Une scène de crime dont on a retiré le(s) cadavre(s), et sur laquelle vient se greffer, comme autant de prolongements, l’entrée des trois interprètes.
Evoluant au ralenti, l’effet de distorsion de leurs mouvements se trouve amplifié par une bande-son de film d’horreur, oppressante. Et de cette adaptation vivante d’une esthétique filmique jaillit immédiatement un profond malaise. Le maquillage tuméfiant les lèvres, escamotant les sourcils, ajouté aux uniformes et aux postures militaires, contrastent avec l’exclusive féminité des corps, immédiatement sexués, presque instantanément sexuels. Engoncées dans leurs toiles de camouflages, leurs lunettes Ray-Ban, et leurs gestes «virils», les interprètes se trouvent paradoxalement réduites à leur genre, comme si cette présence féminine était inappropriée, factice, du même ordre que les trucages tout à la fois grossiers et habiles qui composent cette esthétique gore. Quelque chose cloche, et, réduite à son genre, la femme devient aussitôt fétiche, objet sexuel, adjuvant ou instrument d’un usage politique du sexe. Ici il s’agira de torture.
Mettre en scène des femmes torturant d’invisibles victimes, dont elles endossent le rôle tour à tour, se prêtant à des sévices où se mêlent violence physique et lascivité, érotisme, excitation, permet ce mouvement de pensée : rendre patent ce qui dans l’univers masculin correspondant est tu. La part de violence et de domination au sein des relations sexuelles, autant que la part sexuelle au sein des rapports de violence et de domination. La force de coercition militaire est ici réduite à son fétiche le plus anecdotique, mais également le plus révélant.
Ce n’est qu’au bout d’une heure d’affrontements de corps, de mises à nue des maltraitances comme des gestes de victoires — ces signes éloquents qui évoquent immédiatement le pouvoir —, qu’affleureront lentement la série de reprises à l’identique des clichés d’Abou Ghraib. L’introduction de l’appareil photo aura été préparée comme s’il s’agissait d’une arme. Lente reconstitution, jeu de cluedo (sur le lino, avec la chaise, la Maman ou la Putain ?) qui pourtant continuera d’absenter le principal élément iconographique qui semble d’ailleurs donner son titre à la pièce : ces cagoules qui évoquent celles des pénitents catholiques ou celles des membres du Ku Klux Klan, et qui ne parviennent pas à étouffer les cris que l’on reconstitue mentalement.
AsfixiA s’achève sur un climax, la montée en puissance d’un orgasme féminin qu’on imagine éclater dans le noir. Gael Depauw se masturbe dans le sang tandis qu’elle nous dévisage, déesse de la mort nous invitant à regarder tout cela en face, si on en a la force plutôt que l’envie.
Par Sophie Grappin-Schmitt pour Paris-art.com