ROGER

2019

Crédit photo : © Marcel Weber/MFO, Guillaume Marie, Pol Mathé

Partant de l’idée de la consolation, ou plus précisément de la figure de l’inconsolé (et non de l’inconsolable), le chorégraphe Guillaume Marie, le dramaturge Igor Dobricic et le performeur Roger Sala Reyner signent une pièce troublante et contrastée, centrée/concentrée sur un corps littéralement acculé dans un coin du plateau.

Sur une bande sonore balancée entre tumultes diffractés et silence profond, ce solo trace un lent et organique continuum. À la fois brute et détaillée, sa chorégraphie oscille entre suspension et tension, relâchement et soubresaut. Entre l’image d’un corps presque évidé, et le souffle tangible de ses tentatives d’échappée ou d’expulsion.

Un appel des sens semble guider cette écriture qui nous est donnée à suivre dans une très intime proximité. Le récit d’un corps traversé, bousculé, que l’on se surprend à sentir, à entendre, et à observer dans ses moindres détails.

ROGER

2019

CRÉDITS

Une pièce de Guillaume Marie, Roger Sala Reyner et Igor Dobricic
Conception et chorégraphie : Guillaume Marie
Créée et interprétée par : Roger Sala Reyner
Conception et dramaturgie : Igor Dobričić
Lumières : Marcel Weber / MFO
Aide au costume :Cédrick Debeuf
Régie Générale : Stéphane Monteiro
Musique composée et produite par : Kazuyuki Kishino aka KK Null
(Ultimate Material III Part 2, from Ultimate Material III, 1995 – Drops of Variable Lights / Beyond the Darkness, 2017-2021)
Song lyrics : Bjork (Come to Me, from Debut, 1993)

Administration, production : Guillaume Bordier

Remerciements : Grégoire Gitton, Anna Le Houerf, Erwan Coëdelo, Matthieu Hocquemiller, Suet Wan Tsang, Jean-Marc Diebold, Pol Mathé, David Dibilio, Ludger Orlok & Frauke Niemann.

CRÉDITS

Une pièce de Guillaume Marie, Roger Sala Reyner et Igor Dobricic
Conception et chorégraphie : Guillaume Marie
Créée et interprétée par : Roger Sala Reyner
Conception et dramaturgie : Igor Dobričić
Lumières : Marcel Weber / MFO
Aide au costume :Cédrick Debeuf
Régie Générale : Stéphane Monteiro
Musique composée et produite par : Kazuyuki Kishino aka KK Null
(Ultimate Material III Part 2, from Ultimate Material III, 1995 – Drops of Variable Lights / Beyond the Darkness, 2017-2021)
Song lyrics : Bjork (Come to Me, from Debut, 1993)

Administration, production : Guillaume Bordier

Remerciements : Grégoire Gitton, Anna Le Houerf, Erwan Coëdelo, Matthieu Hocquemiller, Suet Wan Tsang, Jean-Marc Diebold, Pol Mathé, David Dibilio, Ludger Orlok & Frauke Niemann.

PRODUCTION

Production TAZCORP/

Co-Productions / partenariats
Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis (F), Tanzfabrik Berlin (All), Etape Danse – Fabrik Potsdam, CDCN La Maison (Uzes), Théâtre de Nimes, institut Français (All), Théâtre de Vanves (F), Emmetrop (F), Drac Ile de France – project support 2018, Institut Français – Berlin.

Accueils studio :
Tanzfabrik – Uferstudio (Berlin – All)
Antre Peaux (Bourges – FR)
Fabrik Potsdam (All)

PRODUCTION

Production TAZCORP/

Co-Productions / partenariats
Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis (F), Tanzfabrik Berlin (All), Etape Danse – Fabrik Potsdam, CDCN La Maison (Uzes), Théâtre de Nimes, institut Français (All), Théâtre de Vanves (F), Emmetrop (F), Drac Ile de France – project support 2018, Institut Français – Berlin.

Accueils studio :
Tanzfabrik – Uferstudio (Berlin – All)
Antre Peaux (Bourges – FR)
Fabrik Potsdam (All)

TOURNÉE

#Préfigurations :
#1 Tanzfabrik – Uferstudios, Berlin, 25 février 2018
#2 Festival Artdanthé, Vanves, 5 avril 2018
#3 Antre-Peaux, Bourges, 11 mai 2018
#4 Fabrik Potsdam, 25 aout 2018

Première : Open Spaces ! Tanzfabrik, Berlin, 4 et 5 mars 2019

Antre-Peaux, Bourges, le 24 mai 2019
Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis, 15 et 16 juin 2019.
Festival Uzes Danse CDCN La Maison – 20 et 21 Juin 2019
Festival A Corps, TAP Poitiers, 8 et 9 avril 2020 (annulé pour cause de crise sanitaire)
Zurich Moves ! Mars 2021 (annulé pour cause de crise sanitaire)
Tanznacht Berlin, 23 et 24 juillet 2021
Festival Trente Trente, Bordeaux, 20 janvier 2023

TOURNÉE

#Préfigurations :
#1 Tanzfabrik – Uferstudios, Berlin, 25 février 2018
#2 Festival Artdanthé, Vanves, 5 avril 2018
#3 Antre-Peaux, Bourges, 11 mai 2018
#4 Fabrik Potsdam, 25 aout 2018

Première : Open Spaces ! Tanzfabrik, Berlin, 4 et 5 mars 2019

Antre-Peaux, Bourges, le 24 mai 2019
Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis, 15 et 16 juin 2019.
Festival Uzes Danse CDCN La Maison – 20 et 21 Juin 2019
Festival A Corps, TAP Poitiers, 8 et 9 avril 2020 (annulé pour cause de crise sanitaire)
Zurich Moves ! Mars 2021 (annulé pour cause de crise sanitaire)
Tanznacht Berlin, 23 et 24 juillet 2021
Festival Trente Trente, Bordeaux, 20 janvier 2023

Crédit photo : © Marcel Weber/MFO, Guillaume Marie, Pol Mathé

Entretien avec Guillaume Marie

D’où vient l’idée de ce solo ?

Pour mes deux dernières pièces (Edging et Ruin Porn), j’ai beaucoup réfléchi avec Igor Dobricic avec qui je collabore depuis une dizaine d’années – nous co-écrivons les pièces ensemble – sur le concept d’apocalypse : une fois sorti de son contexte religieux, qu’est- ce que cette « révélation » (apokálupsis, en grec) veut encore dire aujourd’hui et comment peut-elle être un point d’inspiration pour la danse ? Pendant cette recherche, nous sommes tombés sur Le Temps de la Consolation du philosophe Michaël Foessel. Pour lui, il ne faut pas penser l’apocalypse comme un évènement soudain qui fracturerait notre temps – vision chrétienne que l’on peut en avoir – mais plutôt considérer que nous sommes

déjà en plein dedans : nous faisons face à une succession de crises (environnementale, économique, sociétale…) sans qu’aucun paradigme ne change vraiment, sans que nous ne soyons passés dans le temps d’après. De là, nous nous sommes posés la question de savoir comment réfléchir cet après. Toujours guidés par les écrits de Foessel, nous sommes arrivés à la conclusion qu’avant de pouvoir commencer à conceptualiser des utopies, il faudrait d’abord apprendre à nous consoler de ce que nous avons perdu, tout en nous demandant comment l’espace du théâtre pourrait se prêter à cela. […] ROGER est la première pièce d’une série d’« allégories de la consolation » créées pour et avec des personnes que l’on aime, et qui à chaque fois porteront leur nom. En l’occurrence ici : l’interprète et chorégraphe Roger Sala Reyner.

Une allégorie de la consolation ?

Allégorie au sens où l’on peut reconnaître et suivre un tracé autour d’une idée, mais sans en saisir complètement tous les éléments. D’un point de vue formel, la pièce est une superposition de différentes couches qui donnent la sensation de pouvoir identifier et sentir les choses sans qu’il y ait pour autant des clés narratives ni même qu’une narration soit mise en jeu. […] Par rapport à la consolation, Michaël Foessel la déconstruit en définissant les figures qu’elle active : le consolateur, l’inconsolable et l’inconsolé. C’est cette dernière figure que nous avons travaillée ici, figure qui a un regard critique sur ce qu’elle a perdu et qui, de là, peut éventuellement trouver une solution à cette perte, sortir de son état d’inconsolation. Notre prochaine pièce est prévue pour 2021 et s’appellera SNOW CLOUD avec Maria Stamenkovic Herranz et Suet Wan Tsang (Snow Cloud en chinois). Nous nous concentrerons alors sur la figure de l’inconsable.

Que pouvez-vous nous dire de la singularité de l’espace en forme de triangle dans le- quel se construit ce solo ?

Par ce dispositif, nous voulions mettre le public dans une proximité du regard avec l’interprète qui se retrouve acculé dans un coin. Cette image nous semblait faire sens avec la figure de l’inconsolé, tout en plaçant les spectateurs dans une position telle qu’ils peuvent devenir en quelque sorte des consolateurs, ou quelque chose de cet ordre-là. […] Nous avons aussi travaillé sur une temporalité un peu étirée, pour donner le temps à l’œil de regarder le corps de Roger Sala Reyner de façon presque médicale : dans ses détails, jusque dans la circulation intérieure de ses mouvements.

Texte et entretien par Olivier Hespel.

Revue de presse

Quoiqu’en solo, Roger n’est pas sans un déferlement de puissance extrême : celui d’une submersion sonore d’infrabasses telluriques, grondant dans la salle avant même que les spectateurs y aient pris place. Ce n’est pas la seule complexité qui y soit travaillée, dans le rapport scène salle. Les spectateurs en nombre limité s’installent sur un gradin qui fait face à l’une des encoignures du fond de plateau. Ils sont là très proches du performer Roger Sala Reyner. Au passage, notons que celui-ci figure parmi les trois cosignataires de la pièce, aux côtés du danseur chorégraphe Guillaume Marie et du dramaturge Igor Dobricic. Cette mention n’est pas mince : on sortait de la pièce signée Pierre Pontvianne, presque scandalisé que celle-ci ne soit pas cosignée par son “interprète” (Marthe Krummenacher, laquelle porte et soulève tout du plateau). Retour sur Roger, Sala Reyner, qui a déjà pris place à cet angle, au coeur atomique du chaos sonore, où son corps paraît un royaume de silence. La disposition du gradin, face au recoin qu’il occupe, comme sans échappatoire, fait ressentir – alors qu’on l’oublie trop souvent – une matérialité physique de la pression qu’exerce un public amassé sur un artiste qui s’expose, seul et de face.

Dès lors, Roger peut se percevoir au jour des radicalités chorégraphiques qui essorent, superbement, un principe physique et spatial, et pas deux, modulé sur une durée. Ce principe serait ici que la base de la danse est comprimée tout au creux et au fond d’un strict angle droit de deux parois se rejoignant. L’artiste peut sembler s’y effondrer même, comme englouti jusqu’au sol. Il s’y tisse une toile épaisse de l’accablement. Lequel fait néanmoins appui, base arrière, pour toute tentative de vie en trois dimensions qui s’y poursuit, s’y élabore et s’en arrache, avec entêtement. Il y a de la poussée, de la contre-poussée, de l’arc-boutant, de la clef de voûte d’arc corporel, de la projection, de l’ébranlement, de la reprise. Une sorte de contre-équilibrisme paradoxal, comme en plaquage. L’artiste a le corps grêle, teint pâle, trempé de transpiration, pauvrement vêtu au bord de l’effiloché, jambes presque cagneuses dans de grosses godasses. Efflanqué. Pélerin. Sacrificiel. Regard embué de larmes. Comme christique. Ou franciscain d’Assise (et d’assise ?). La présence est bouleversante, mais il nous a semblé, un peu à la longue, comme s’il fallait sacrifier à la règle monastique absolue des soixante minutes requises pour tout spectacle exigé, il nous a semblé que c’est comme pour meubler le temps, que l’accent d’une théâtralité expressionniste venait à prendre le dessus sur l’épure corporelle.

Guillaume Marie ne cache d’ailleurs pas son parti de réhabilitation d’une esthétique assumée de l’émotion partagée. De même que Roger Sala Reyner est tout autant comédien que danseur. La remarque que nous venons de formuler s’inscrit donc là en parfaite cohérence. Mais non sans avoir émoussé une part de notre concentration (en toute intransigence chorégraphique).

Gérard Mayen Danser Canal Historique

(…) Dans une superficie beaucoup plus restreinte, ROGER, par Guillaume Marie, Igor Dobricic et Roger Sala Reyner, vient pour sa part condenser la tonicité des spectateurs disposés autour de lui, dans la promiscuité d’un arc de cercle. Le solo, qui constitue la première occurrence d’une série d’« allégories de la consolation », – ici celle de l’inconsolé – prend place dans l’angle d’une salle du musée d’Uzès. Vêtu d’une panoplie veste de polaire-short-baskets, le performeur Roger Sala Reyner nous adresse un regard vitreux, les yeux larmoyants à peine entrouverts, comme tournés vers l’intérieur de ses orbites. La température lumineuse autour de lui oscille entre des faisceaux éclatants, d’un blanc glacé, et des nappes de clarté plus chaleureuses. Elles sont entrecoupées d’une obscurité complète ; le performeur lui aussi, à la manière d’un trou noir, semble absorber les ondes sonores qui ricochent contre les murs et se concentrent dans l’angle qu’il occupe.

Les vibrations l’animent et initient une lente exploration de la paroi : lorsqu’ils la rencontrent, ses doigts se courbent et s’y déposent, les paumes en épousent les aspérités.  Il semble y être aspiré, courbe le dos afin d’en cerner l’angle et se coule dans son relief pour en absorber les propriétés de solidité et d’angulosité : les arêtes du mur entrent en résonance avec la flexion de ses articulations, initient des chutes implacablement perpendiculaires. La répartition des appuis et des tensions musculaires défient une gravité sans cesse rejouée : allongé sur le flanc, il semble comme un aimant être happé par le mur, et vient se plaquer contre lui.  La paroi qui l’attire et le soutient se mue aussi en caisse de résonance qui se fait l’écho de ses chants inaudibles, murmures aux sonorités distordues par sa tête enfouie dans l’angle. De furtives écholalies aux tonalités suppliantes résonnent par l’arrière de sa cage thoracique. La silhouette à demi nue, essoufflée et transpirante, le dos lacéré de traînées rouges semble douloureusement acculée et le corps comme évidé par cette heure de confinement rend perceptible la circulation interne de ses mouvements de lutte contre ces polarités opposées.

Céline Gauthier, Ma Culture, 03/07/2019