ROGER

2019

TRAILER

ROGER

Une allégorie de la Consolation

Le chorégraphe Guillaume Marie, le danseur Roger Sala Reyner, et le dramaturge Igor Dobričić initient un projet chorégraphique et performatif dans lequel ils explorent le thème de la Consolation. ROGER aborde la pratique d’un usage autant solidaire, social et fraternel (consoler l’autre) qu’intime (se consoler soi-même). ROGER est une invitation : celle d’un interprète adressée à un public afin qu’il construise avec lui une communauté éphémère et fragile de consolateurs et de consolés. Le dispositif est à la fois une installation plastique et une performance chorégraphique ; une hétérotopie propice à un rituel où l’intime et le public peuvent coexister et se supporter librement. L’enjeu artistique de ce solo est d’imaginer de nouvelles représentations de la Consolation dans notre contexte contemporain. Il s’agit de se réapproprier un phénomène trop souvent laissé aux institutions religieuses ou aux politiques conservatrices pour le réinvestir dans des sphères artistiques, philosophiques et sociales. Les artistes imaginent une allégorie et tentent de formuler une réponse personnelle à la question que le philosophe Michael Foessel pose à notre société : comment canaliser les effets manifestes de la souffrance pour éviter qu’ils ne remettent en cause l’unité du groupe ?*
* in Le Temps de la Consolation de Michaël Foessel, Seuil, 2015

 

Guillaume Marie, Igor Dobričić & Roger Sala Reyner
Conception & chorégraphie : Guillaume Marie
Conception & dramaturgie : Igor Dobričić
Créé en collaboration avec et interprété par : Roger Sala Reyner
Lumières : Marcel Weber/MFO
Régie Générale : Stéphane Monteiro
Musique : KK Null (Drops of Variable Lights, from Ghostscapes, 2017, Ultimate Material III Part 2, from Ultimate Material III, 1995), Fis (Heart Wash, From Patterns To Details, 2016)
Texte : Déchirures (extrait) de Joyce Mansour (1955)
Aide au costume : Cédrick Debeuf

Diffusion :
Tristan Barani
+33 (0)6 16 75 12 94
tbarani@gmail.com

Création

Allemagne : Tanzfabrik, Berlin, 4 et 5 mars 2019 (in situ)
Avant-première France : Emmetrop, Bourges, le 24 Mai 2019
France : Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis, 15 et 16 juin 2019.

Production

TAZCORP/

Co-Productions / partenariats

Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis (F),
Tanzfabrik Berlin (All),
Etape Danse – Fabrik Potsdam,
CDCN La Maison (Uzes),
Théâtre de Nimes,
institut Français (All),
Théâtre de Vanves (F),
Emmetrop (F),
Drac Ile de France – project support 2018,
Institut Français – Berlin.

Accueils studio :

Tanzfabrik – Uferstudio (Berlin – All)
Emmetrop (Bourges – FR)
Fabrik Potsdam (All)


REVUE DE PRESSE 

Quoiqu’en solo, Roger n’est pas sans un déferlement de puissance extrême : celui d’une submersion sonore d’infrabasses telluriques, grondant dans la salle avant même que les spectateurs y aient pris place. Ce n’est pas la seule complexité qui y soit travaillée, dans le rapport scène salle. Les spectateurs en nombre limité s’installent sur un gradin qui fait face à l’une des encoignures du fond de plateau. Ils sont là très proches du performer Roger Sala Reyner. Au passage, notons que celui-ci figure parmi les trois cosignataires de la pièce, aux côtés du danseur chorégraphe Guillaume Marie et du dramaturge Igor Dobricic. Cette mention n’est pas mince : on sortait de la pièce signée Pierre Pontvianne, presque scandalisé que celle-ci ne soit pas cosignée par son « interprète » (Marthe Krummenacher, laquelle porte et soulève tout du plateau). Retour sur Roger, Sala Reyner, qui a déjà pris place à cet angle, au coeur atomique du chaos sonore, où son corps paraît un royaume de silence. La disposition du gradin, face au recoin qu’il occupe, comme sans échappatoire, fait ressentir – alors qu’on l’oublie trop souvent – une matérialité physique de la pression qu’exerce un public amassé sur un artiste qui s’expose, seul et de face. Dès lors, Roger peut se percevoir au jour des radicalités chorégraphiques qui essorent, superbement, un principe physique et spatial, et pas deux, modulé sur une durée. Ce principe serait ici que la base de la danse est comprimée tout au creux et au fond d’un strict angle droit de deux parois se rejoignant. L’artiste peut sembler s’y effondrer même, comme englouti jusqu’au sol. Il s’y tisse une toile épaisse de l’accablement. Lequel fait néanmoins appui, base arrière, pour toute tentative de vie en trois dimensions qui s’y poursuit, s’y élabore et s’en arrache, avec entêtement. Il y a de la poussée, de la contre-poussée, de l’arc-boutant, de la clef de voûte d’arc corporel, de la projection, de l’ébranlement, de la reprise. Une sorte de contre-équilibrisme paradoxal, comme en plaquage. L’artiste a le corps grêle, teint pâle, trempé de transpiration, pauvrement vêtu au bord de l’effiloché, jambes presque cagneuses dans de grosses godasses. Efflanqué. Pélerin. Sacrificiel. Regard embué de larmes. Comme christique. Ou franciscain d’Assise (et d’assise ?). La présence est bouleversante, mais il nous a semblé, un peu à la longue, comme s’il fallait sacrifier à la règle monastique absolue des soixante minutes requises pour tout spectacle exigé, il nous a semblé que c’est comme pour meubler le temps, que l’accent d’une théâtralité expressionniste venait à prendre le dessus sur l’épure corporelle. Guillaume Marie ne cache d’ailleurs pas son parti de réhabilitation d’une esthétique assumée de l’émotion partagée. De même que Roger Sala Reyner est tout autant comédien que danseur. La remarque que nous venons de formuler s’inscrit donc là en parfaite cohérence. Mais non sans avoir émoussé une part de notre concentration (en toute intransigence chorégraphique).

Gérard Mayen Danser Canal Historique

(…) Dans une superficie beaucoup plus restreinte, ROGER, par Guillaume Marie, Igor Dobricic et Roger Sala Reyner, vient pour sa part condenser la tonicité des spectateurs disposés autour de lui, dans la promiscuité d’un arc de cercle. Le solo, qui constitue la première occurrence d’une série d’« allégories de la consolation », – ici celle de l’inconsolé – prend place dans l’angle d’une salle du musée d’Uzès. Vêtu d’une panoplie veste de polaire-short-baskets, le performeur Roger Sala Reyner nous adresse un regard vitreux, les yeux larmoyants à peine entrouverts, comme tournés vers l’intérieur de ses orbites. La température lumineuse autour de lui oscille entre des faisceaux éclatants, d’un blanc glacé, et des nappes de clarté plus chaleureuses. Elles sont entrecoupées d’une obscurité complète ; le performeur lui aussi, à la manière d’un trou noir, semble absorber les ondes sonores qui ricochent contre les murs et se concentrent dans l’angle qu’il occupe. Les vibrations l’animent et initient une lente exploration de la paroi : lorsqu’ils la rencontrent, ses doigts se courbent et s’y déposent, les paumes en épousent les aspérités.  Il semble y être aspiré, courbe le dos afin d’en cerner l’angle et se coule dans son relief pour en absorber les propriétés de solidité et d’angulosité : les arêtes du mur entrent en résonance avec la flexion de ses articulations, initient des chutes implacablement perpendiculaires. La répartition des appuis et des tensions musculaires défient une gravité sans cesse rejouée : allongé sur le flanc, il semble comme un aimant être happé par le mur, et vient se plaquer contre lui.  La paroi qui l’attire et le soutient se mue aussi en caisse de résonance qui se fait l’écho de ses chants inaudibles, murmures aux sonorités distordues par sa tête enfouie dans l’angle. De furtives écholalies aux tonalités suppliantes résonnent par l’arrière de sa cage thoracique. La silhouette à demi nue, essoufflée et transpirante, le dos lacéré de traînées rouges semble douloureusement acculée et le corps comme évidé par cette heure de confinement rend perceptible la circulation interne de ses mouvements de lutte contre ces polarités opposées. 

Céline Gauthier Ma Culture, 03/07/2019