RUIN PORN

2016

Première Festival Etrange Cargo – Ménagerie de Verre

Crédit photo : © Gilles Vidal

En 2013, la ménagerie de verre présentait la création du duo Edging, première étape d’une série de pièces menée par Guillaume Marie. Ruin Porn en est le nouveau volet. La pièce part du même constat implacable : notre incapacité à mettre en oeuvre un changement social significatif. Tandis qu’Edging se concentrait sur la notion du confinement volontaire comme métaphore de la condition contemporaine, Ruin Porn se propose d’en investir le contre-champ, ou la causalité. Qu’est-ce qui pourrait conduire à un tel isolement, sinon la perception apocalyptique du monde extérieur comme un espace condamné depuis le départ, «toujours-déjà» ruiné ?

En d’autres termes, là où le paysage mental d’Edging se résumait à une chambre sans porte, celui de Ruin Porn serait un paysage sans horizon, avec pour référence visuelle le «dark tourism», forme de tourisme qui ramène la mort dans le domaine public et offre la possibilité aux visiteurs de se reconnecter à leur propre mortalité. Sur le plateau, quatre figures composent un seul et même organisme.

Ce corps utopique tente désespérément de s’extraire du présent pour se projeter dans un futur inaccessible et inimaginable. Les mouvements et rituels des personnages semblent incantatoires, comme les fruits d’un espoir insensé, celui de sortir de ce lieu, de ce dispositif sonore et lumineux, de cette ruine dont ils sont pris au piège, et que l’on ne connaît que trop bien… Bienvenue au théâtre ! Au milieu des vestiges industriels, dans le flux des explorations urbaines, les artistes ont laissé leur imagination flotter, unissant leurs corps performatifs à la photographie, à l’architecture, à la science-fiction et à la sociologie.

« Réfléchir aux ruines, c’est se placer hors du temps, c’est s’immerger dans l’impermanence des choses. Ruin Porn est la trace de cette transe mentale, une vision singulière de notre ère à jamais pré-apocalyptique. »

RUIN PORN

2016

Première Festival Etrange Cargo – Ménagerie de Verre

CRÉDITS

De Guillaume Marie, Igor Dobricic & Kazuyuki Kishino aka KK Null
Une pièce pour 4 danseurs et un musicien
Conception, Chorégraphie : Guillaume Marie
Conception, Dramaturgie : Igor Dobričić
Création Musicale : Kazuyuki Kishino aka KK Null
Créée en collaboration et interprétée par : Els Deceukelier, Guillaume Marie, Roger Sala Reyner & Suet Wan Tsang.
Costumes : Cédrick Debeuf
Maquillages : Rebecca Florès
Lumières : Abigail Fowler
Direction Technique : Stéphane Monteiro
Graphisme : Grégoire Gitton
Administration, Production : Guillaume Bordier
guillaumebordier@yahoo.fr / +33(0)6 64 81 07 98

CRÉDITS

De Guillaume Marie, Igor Dobricic & Kazuyuki Kishino aka KK Null
Une pièce pour 4 danseurs et un musicien
Conception, Chorégraphie : Guillaume Marie
Conception, Dramaturgie : Igor Dobričić
Création Musicale : Kazuyuki Kishino aka KK Null
Créée en collaboration et interprétée par : Els Deceukelier, Guillaume Marie, Roger Sala Reyner & Suet Wan Tsang.
Costumes : Cédrick Debeuf
Maquillages : Rebecca Florès
Lumières : Abigail Fowler
Direction Technique : Stéphane Monteiro
Graphisme : Grégoire Gitton
Administration, Production : Guillaume Bordier
guillaumebordier@yahoo.fr / +33(0)6 64 81 07 98

PRODUCTION

Production
TAZCORP/

Co-Productions
Ménagerie de verre
Paris, le CND – un centre d’art pour la danse
CCN Roubaix / Ballet du Nord – accueil studio
Hostellerie de Pontempeyrat – accueil studio

Avec l’aide de la DRAC Île de France – Aide au projet et le DICREAM

PRODUCTION

Production
TAZCORP/

Co-Productions
Ménagerie de verre
Paris, le CND – un centre d’art pour la danse
CCN Roubaix / Ballet du Nord – accueil studio
Hostellerie de Pontempeyrat – accueil studio

Avec l’aide de la DRAC Île de France – Aide au projet et le DICREAM

Crédit photo : © Gilles Vidal

Revue de presse

Le public pénètre dans une salle vide, aussitôt aveuglé par des lumières stroboscopiques qui percent d’épaisses strates de fumée. Persistance rétinienne, on aperçoit entre chaque flash les quatre interprètes, deux hommes et deux femmes, reclus dans un coin. Quatre corps agglutinés vêtus de costumes couleur chair, des corps interdépendants qui n’en font presque qu’un. Cet organisme hybride forme de petits mouvements saccadés et répétitifs sous le feu nourri d’une violente partition sonore. Invitation à un voyage en zone de combat. D’emblée, le décor est posé : c’est bien sur un champ de ruine que la cinquième création de Guillaume Marie aura lieu. Survivants fantomatiques d’une apocalypse qui se déroule sous nos yeux (à moins qu’elle n’ait déjà eu lieu) ces corps semblent invoquer un dieu qui n’existe évidement pas avec leur danse comme un rituel désespéré, urgent, extatique. Une danse comme une tentative de recherche éperdue d’une issue qui n’existe pas davantage. Prisonniers d’un dispositif de sons et de lumières poussé à son paroxysme, est-ce par chance ou par oubli que les personnages pourront échapper à l’apocalypse ?

Puis c’est le noir total. Les décharges sonores se muent en une ligne de synthé métallique obsédante, plus rectiligne. Une lumière douce et apaisante enveloppe désormais le plateau et l’un de quatre corps (Els Deceukelier) se détache pour avancer lentement vers le public qu’elle fixe. Hagarde, comme absente, elle s’assoit alors que derrière elle le corps-pluriel fait l’amour avec lui-même. Deux garçons et une fille. L’une se frotte à l’un puis à l’autre, ils se caressent, esquissent une partouze pansexuelle, déliquescente et polymorphe, violente et étrange. Lumière blanche. Les quatre danseurs, toujours enveloppés d’une épaisse fumée, se tiennent face au public, les bras ouverts, zombifiés, exsangues, les costumes se déchirent et l’on perçoit l’épaisse couche de maquillage et quelques cicatrices. Avec sa deuxième création, Nancy en 2010, Guillaume Marie s’emparait de la figure de la petite amie de l’icône punk Sid Vicious pour mieux tordre le cou au destin mythique et tragique de l’égérie en fabriquant une pièce entièrement construite autour d’une inexorable montée vers une extase sanglante. En 2011, avec Asfixia, il rejouait les tortures sexuelles commises à la prison d’Abou Grahib en Irak. Puis avec Edging en 2013, il s’inspirait de la pratique du même nom qui consiste à repousser toujours plus loin la jouissance sexuelle, là où se trouve la limite entre la douleur et le plaisir. C’est avec Edging que le chorégraphe entame sa collaboration avec le musicien noise japonais KK Null. Cette collaboration, déjà bluffante sur Edging atteint une rare force avec Ruin Porn où le duo ne fait plus qu’un, démiurge d’un monde emporté par le tourbillon et le fracas des sensations. Tandis qu’Edging se concentrait sur la notion du confinement volontaire comme métaphore de la condition contemporaine, Ruin Porn en propose le contre-champ, c’est à dire la perception apocalyptique du monde extérieur comme un espace condamné depuis le départ, toujours et déjà ruiné, un paysage sans horizon. Pour Ruin Porn, le chorégraphe convoque pour référence visuelle la notion de « dark tourism », cette forme de tourisme qui ramène la mort dans le domaine public tout en la banalisant. On pense aux visites du camp d’Auschwitz immortalisées par le biais de selfies ou aux parcours découverte autour du site de la centrale de Tchernobyl.

Car c’est bien dans les tréfonds les plus sombres et les ressorts les plus tragiques de l’âme humaine que va puiser Guillaume Marie. Bien au delà d’une simple marque de fabrique que l’on pourrait qualifier de « dark » et qui traverse toute son œuvre, c’est aussi la position de l’artiste dans le monde qu’il questionne. La sienne serait plutôt du genre nihiliste car non, l’art ne sauvera pas le monde. Et le chaos est déjà en marche. Ceux qui s’enivrent en pensant le contraire se trompent. Au mieux les artistes peuvent-ils s’y confronter pour produire de la matière. Musicale, chorégraphique. Et tenter de dessiner les contours d’une géographie traumatique, vestiges d’une planète à bout de souffle, en ruines, et sur lesquelles le mieux est peut-être encore, en effet, de danser.

David Dibilio, journaliste, programmateur pour le Jerk off Festival, (Paris)