EDGING

EDGING

2013

GALLERY

EXTRAIT

CAPTATION

https://vimeo.com/87421592

Création Festival Les Inaccoutumés,
La Ménagerie de Verre, 19 et 20 Novembre 2013.

EDGING: Sexual technique of arriving to a climax, then purposefully interrupting stimulation in order to delay a moment of release.

HIKIKOMORI (“pulling inward, being confined”): a Japanese term to refer to the phenomenon of reclusive adolescents or young adults who withdraw from social life, often seeking extreme degrees of isolation and
confinement.

LASER: Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation” The catastrophe is not coming, it is here. We are already situated inside of it.
When the world is holding itself together through the infinite management of its own collapse it is useless to wait for a breakthrough. In fact, to go on waiting becomes madness.
That we are deriving pleasure from the repetition of our habits in the midst of the catastrophe is what makes this repetition into a ritual. Our own desperate art work.

[expand title=”Par David Dibilio”]

La scène est entièrement couverte par un entrelacs complexe de câbles électriques. Capillarité des désirs, bondage, ramification sensorielle et technologique dans une société où le rapport au monde passe désormais par des signaux qui courent dans des fils conducteurs. Avec leurs accessoires et tenues SM comme des armures, les deux interprètes entrent dans un rituel chorégraphié tout en retenue et minutieusement écrit, une transe extatique où chaque mouvement est entravé, à la limite de la douleur et du désir. C’est la définition du « edging » : une pratique sexuelle consistant à atteindre un point culminant de l’excitation puis a volontairement interrompre la stimulation dans le but de retarder l’orgasme. Retarder le moment où… Danser au bord du précipice, au bord de l’orgasme. Tenir, retenir pour ne pas tomber, ne pas sombrer dans la folie sexuelle, la folie du monde.
Car le monde que laisse entrevoir EDGING est un monde qui court à sa perte, un monde qui aurait perdu la tête mais qui continuerait sa course sans jamais sauter pour de bon. Retenir son souffle, ralentir ses gestes, suspendre les corps. Ce rituel hypnotique ne masque pas qu’il n’y a pas d’issue. Comme dans La Bête aveugle (The Blind Beast) de Yasyzo Masumura, dont Guillaume Marie revendique l’influence, EDGING est confiné dans un espace claustrophobe à l’intérieur duquel les deux interprètes se cherchent avant que n’arrive pas la catastrophe. L’atmosphère jusque-là sourde se fait plus oppressante. Le sexe ne suffit plus, le décor s’assombrit.
La musique originale de Kazuyuki Kishino porte la pièce de bout en bout, de la pulsation cardiaque et du tremblement de chair jusqu’au chaos, comme une succession de crises, d’états bordeline. A la limite, encore. Mais la catastrophe n’arrive pas, elle est là. Nous y sommes déjà, sans pouvoir pour autant franchir le pas vers un nouveau monde. Et là, à cet endroit, il n’y a plus de place pour la transcendance. Il n’y a plus de place pour un quelconque dieu, plus de place pour le monde d’après.
C’est cette frontière, inaccessible et immatérielle, qui est symbolisée par les quelques minutes de déferlement laser qui mènent à la fin de la pièce. Déluge psychédélique, changement de dimension, fin d’un monde et jubilation technologique, le laser d’EDGING est à l’image de la folie destructrice des hommes. Il déferle violemment et n’épargne rien ni personne, y compris le public. Il ne laisse plus rien que des corps épuisés, blessés mais consentants, comme si un nouveau désir pouvait émerger de la douleur, de la souffrance, du chaos et du néant.

David Dibilio, Journaliste, programmateur pour le Jerk off Festival, responsable danse au Point Éphémère (Paris)

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[expand title=”Par Thomas Lapointe”]

Le corps et l’esprit
Edging, c’est cette pratique qui consiste à contrôler l’orgasme de soi ou d’une autre personne, notamment en le retardant, pour le rendre plus intense. C’est de cette idée qu’a émergé cette métaphore chorégraphique, qui se joue de nos attentes et de nos désirs. Aux sons d’une partition pulsationnelle (la sexualité est affaire de chair), les corps des deux danseurs, Guillaume Marie – également chorégraphe – et Suet Wan Tsang, entrent dans un rituel au ralenti, et un rien sadomasochiste, au milieu d’un enchevêtrement de câbles semblable à un système nerveux (la sexualité n’est-elle pas aussi affaire d’intellect ?). Avant que ces oscillations chorégraphiques faites de frustration n’émerge une transe physique et lumineuse, extase attendue mais qui surprend pourtant avec une force inespérée.

Par Thomas Lapointe, Journaliste, Rédacteur en Chef de la Revue d’Art Contemporain ENTRE

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[expand title=”Par J.M. Gourreau”]

L’orgasme du désespoir

Il s’était déjà produit sur cette même scène il y a tout juste trois ans avec un étonnant spectacle, AsfixiA, une réflexion sur l’empreinte fantasmatique de photos montrant des prisonniers torturés, attachés nus par des câbles électriques, menacés par des chiens de garde ou désacralisés après leur mort. Aujourd’hui, Edging décortique entre autres platoniquement les mécanismes qui conduisent tant l’homme que la femme à l’excitation sexuelle et à la jouissance dans un monde frappé par une catastrophe, guerre ou tremblement de terre, peut-être aussi dans l’optique d’assurer sa survie.

En janvier 2012 à la suite de la présentation de cette œuvre alors en chantier à L’Etoile du Nord, j’écrivais dans ces mêmes colonnes: Edging de Guillaume Marie est une pièce reposant avant tout sur les vibrations de l’univers sonore sur le corps, en fait, ses effets sensoriels sur un danseur restreint dans sa mobilité. L’idée princeps de cette œuvre est née de la rencontre entre le chorégraphe et le musicien japonais Kazuyuki Kishino, pilier de la Noise Music japonaise, au moment du désastre nucléaire de Fukushima et du tsunami qui lui suivit. L’œuvre chorégraphique minimaliste en train d’éclore, entièrement sur le fil du couteau, s’écoute plus que ne se contemple, le corps du danseur en souffrance n’étant que la traduction physique de l’univers sonore, rendant visibles l’invisible et l’excitation sourde qui y est contenue. Si le support musical de Kayusuki Kishino (Aka KK Null) reste le même, un son sourd et profond, en nappe, dont l’intensité varie suivant l’action qui se déroule sur le plateau, si l’excitation sourde qui anime les interprètes demeure intacte, le propos, la scénographie, le sens même de la pièce sont profondément modifiés, sous l’influence sans doute du dramaturge Igor Dobričić et de la danseuse Suet-Wan Tsang qui ont rejoint postérieurement le chorégraphe. L’œuvre a été créée au Festival des Inaccoutumés à La Ménagerie de Verre à Paris, les 19 et 20 novembre 2013.

Si l’image de l’Homme face à la catastrophe – suggérée par un indescriptible entrelacs de fils électriques qui tombent du gril de la cage de scène – reste sous-jacente, Edging est en fait une sorte de rituel en trois parties, Edging proprement dit, Hikikomori et Laser, interrogeant et analysant nos perceptions, nos désirs et notre comportement, notamment sexuel, face à la mort, tout en cherchant à les prolonger avant la chute finale dans les ténèbres. Le terme anglo-saxon d’edging, que l’on utilise communément dans le sens de bordure ou de liseré, évoque également une pratique sexuelle “consistant à atteindre un point culminant de l’excitation puis à interrompre volontairement la stimulation dans le but de retarder l’orgasme”. Hikikomori est un mot japonais signifiant être reclus qui, ici, décrit “le comportement d’adolescents et de jeunes adultes cherchant à s’extraire de la vie sociale, en atteignant parfois des degrés extrêmes d’isolement et de confinement”. D’où la présence sur la scène non pas d’un, comme à l’origine mais de deux adolescents des deux sexes, la chinoise Suet-Wang Tsang et le chorégraphe lui-même, presque étrangers l’un à l’autre, qui intervertiront leur rôle tout en restant chacun dans leur monde jusqu’à l’issue de la représentation. Tout en cherchant chacun également à atteindre le plaisir suprême sans jamais en dépasser les limites, avant de revenir au point de départ.

La troisième partie de la pièce, Laser, évoque sans doute les fameuses frontières de ce monde, suggérées par un déferlement psychédélique de rayons laser multicolores fouillant l’espace puis frôlant nos têtes avant de s’abattre sur le public, tels des traits meurtriers de flèches décochées par un ennemi invisible ou des radiations atomiques dévastatrices engendrées par la folie humaine. L’oeuvre est servie par une mise en scène d’un graphisme remarquable, entre autres au niveau du corset revêtu par les deux interprètes.

J.M. Gourreau

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CAST


by Guillaume Marie, Igor Dobricic & Kazuyuki Kishino (aka KK Null).
Choreography: Guillaume Marie
Dramaturgy: Igor Dobricić
Music: Kazuyuki Kishino (aka KK NULL)
Performed by: Guillaume Marie & Suet-Wan Tsang
Costumes : Cédrick Debeuf
Light: Abigail Fowler
Technical Director/Sound Engineer: Stéphane Monteiro
Make-up: Rebecca Florès
Graphism: Grégoire Gitton
Production-Booking: Guillaume Bordier guillaumebordier@yahoo.fr / +33 (0)6 64 81 07 98

PRODUCTION


Production : TAZCORP/

Co-productions : La Ménagerie de Verre (Paris),
Ville de Strasbourg, Emmetrop (Bourges),
CDC Paris Réseau/Étoile du Nord (Paris),
Ballet de l’Opéra national du Rhin (Mulhouse),
NagiB Festival (Maribor, Slovénie).

Residencies:
Centre National de la Danse (Pantin), Danse Dense (Pantin), La Ménagerie de Verre dans le cadre de Studiolabs (Paris), Théâtre Hautepierre (Strasbourg), Théâtre du Marché aux Grains (Bouxwiller).

Special thanks: Théâtre National de Chaillot, Centre national de la danse, Atelier Bas Et Hauts.

Created at Festival Les Inaccoutumés, La Ménagerie de Verre, Paris (F),19-20 November 2013