SNOW CLOUD

2022

TRAILER

TEASER IN SITU
(Réalisé in situ par le Festival A Corps, TAP Théâtre Auditorium de Poitiers)

SNOW CLOUD

Dans le contexte artistique occidental contemporain, la Consolation est perçue comme un geste performatif dépassé qui appartiendrait à la sensibilité sentimentale du théâtre bourgeois. L’émancipation critique (de Brecht à l’Internationale Situationniste et au-delà) et les stratégies progressistes et performatives d’aujourd’hui sont définies en opposition directe à la logique de la Consolation. C’est-à-dire que l’art contemporain conçoit son rôle principalement comme un lieu de protestation et de séparation, d'”aliénation didactique” dans lequel les conflits sociaux et les inégalités sont exposés et diagnostiqués plutôt que temporairement réconciliés. Ce qui était historiquement un élément essentiel de l’expérience artistique et théâtrale en tant que réaction cathartique et émotionnelle a maintenant été rétrogradé à un outil réactionnaire du populisme politique. Notre projet vise à se réapproprier le pouvoir émotionnel de la Consolation et à le ramener dans la pratique contemporaine du spectacle vivant.
 
SNOW CLOUD se concentre sur la figure de l’inconsolable, c’est-à-dire celui ou celle qui ne veut pas se détacher de la perte et ne peut donc plus être consolé.e. Or, la charge subversive du deuil, qui bouleverse et menace l’ordre établi, réside dans le fait qu’il provoque la réflexivité du sujet : Pourquoi moi ?, Pourquoi maintenant ? La perte est vécue comme injustifiable ; dès lors, c’est le monde qui apparaît injuste. En ce sens, il y a une dimension critique et politique dans le désir de consolation. Il incite les sujets à devenir sociologues, à prendre du recul pour analyser les ordres sociaux établis, à ajuster leur regard afin de chercher les causes de leur souffrance – non pas en eux-mêmes mais dans le monde qui les entoure -, et à forger les outils pour s’émanciper de ces causes. Bien qu’essentiellement poétique, l’inconsolable est aussi une figure qui incarne un geste politique de résistance face à aux injustices inhérentes (économique, sociétale, environnementale) qui nous entourent.
SUITE DU TEXTE

Dans SNOW CLOUD, les larmes ne tarissent jamais. Les yeux sont mouillés et les corps sont secoués et habités par des soubresauts, des hoquets, des souffles et des lamentations. L’expression des affects est réduit ici à une matérialité essentielle au-delà de la motivation psychologique ou émotionnelle. En tant que tels, les corps des interprètes sont dépourvus de caractérisation scénique ou de jeu de rôle. Leur partition gestuelle est affective et intense, mais épurée afin d’atteindre l’efficacité cérémoniale, technique et pratique d’une “machine à pleurer”. Inspirés par les rituels des pleureuses professionnelles et les concerts de musique expérimentale, iels explorent une zone où le pur simulacre – de fausses larmes – génère un exutoire viscéral pour le partage d’un vrai chagrin. Les corps des interprètes sur scène sont des canaux matériels par lesquels la catharsis est rituellement offerte à une communauté. Cette création est ici présentée non pas pour être décodée ou interprétée mais plutôt pour être expérimentée dans une affinité directe aux corps.

Ces simulacres viscéraux de deuil sont accompagnés, encadrés et amplifiés par tous les autres éléments de notre dispositif. Nous avons imaginé une coexistence générative entre les médiums de la danse, de la voix, de l’espace/de la lumière et de la musique comme un écosystème évolutif qui permet à la fois l’autonomie de chaque “espèce” qui le compose et leur co-dépendance équilibrée et fluide. Nous avons cherché un équilibre dramaturgique entre le pouvoir séducteur et spectaculaire des concerts audio-visuels et les qualités intimes offertes par la performance somatique et vocale des corps sur scène.

Ce qui nous intéresse ici, ce sont les dispositifs de simulacre mis en jeu pour canaliser les expressions de la douleur et leurs forces allégoriques. Nous nous interrogeons : est-il encore possible d’incarner et de représenter le pathos alors que notre contemporanéité s’oppose à toute vulnérabilité et ne glorifie que la productivité ? Y a-t-il, dans les corps vulnérables et tendus de ces personnes inconsolables, une force salvatrice, une puissance ou une résistance au monde que nous devrions apprécier et comprendre maintenant ?

SNOW CLOUD nous permet de devenir les témoins de combinaisons hybrides infinies, entre corps, texte et technologie, devenues à présent une allégorie des nécessités de changements de notre temps.

 Guillaume Marie


 

Conception, chorégraphie et mise en scène : Guillaume Marie
Créée en collaboration et interprétée par : Maria Stamenkovic Herranz, Suet Wan Tsang et Aho Ssan
Musique originale : Aho SsanWondertomb” écrite, composée et interprétée par Aho Ssan et Exzald S
Lumière : Marcel Weber/MFO 
Costumes: Cédrick Debeuf 
Régie générale, régie son : Maxime Niol
Assistante à la chorégraphie : Suet Wan Tsang
Conseiller dramaturgique : Igor Dobricic
Aide à la scénographie : Grégoire Gitton
Collaborateur artistique pour les recherches : Roger Sala Reyner
Administration & production : Camille Cabanes

Création les 1er et 2 avril 2022 au Festival À Corps, le TAP- Théâtre Auditorium de Poitiers

Production
TAZCORP/

Co-Productions
TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers, Tanzfabrik – Berlin, R.E.D.- Berlin, Festival Faits D’hiver, Micadanses – Paris, Antre Peaux – Bourges, Fond Transfabrik de l’Institut Français, Bourse Joint Adventure – Berlin

Avec le soutien de
la DRAC Ile de France, aide au projet 2022

Residences
CND Centre National de la Danse – Paris, Tanzfabrik – Berlin, Antre Peaux – Bourges, Maison des Arts de Créteil, Point Ephémère – Paris, Réservoir Danse – Rennes

SNOW CLOUD a bénéficié du programme R.E.D de Tanzfabrik Berlin dans le cadre du projet de recherche THE FIVE OF US initié par Roger Sala Reyner en collaboration avec Guillaume Marie, Igor Dobricic, Suet Wan Tsang et Marcel Weber/MFO.